NBN : Bram, pouvez-vous nous parler un peu de votre travail dans le domaine de l’élaboration des normes et nous expliquer ce qui vous a amené là ?
Bram Rotthier : Tout à fait ! Mon implication dans l'élaboration des normes découle de ma formation universitaire et de mon travail dans le secteur des véhicules électriques légers. Je travaille à l'Odisee Hogeschool en tant que responsable du programme de technologie énergétique et j'ai précédemment travaillé à la KU Leuven en tant que chercheur. Mon intérêt pour la mobilité électrique légère m'a conduit à l'élaboration de normes, car il est essentiel pour le secteur de disposer de normes objectives qui ne favorisent pas les intérêts d'entreprises spécifiques. Cela permet de maintenir le marché ouvert et de promouvoir la transition durable dont nous avons besoin.
Dans le cadre de mon travail universitaire, je me suis impliquée dans l'élaboration de normes parce qu'il est important d'avoir des normes objectives qui ne limitent pas le marché. Cela correspond aux objectifs de l'organisation non gouvernementale que j'ai fondée, qui se concentre sur la réglementation et la normalisation dans le secteur des véhicules électriques légers. Nous étudions ce qui est nécessaire pour faciliter davantage cette forme de mobilité et soutenir la transition durable.
NBN : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre rôle au sein des différents comités et commissions ?
Bram Rotthier : Je suis secrétaire du CEI TC125 pour les véhicules électriques légers et actif dans plusieurs groupes de travail tels que le CEN TC333 pour les bicyclettes et le CLC/TC 21X pour les batteries. Je collabore également à l'ISO/TC 149/SC 1 pour les bicyclettes. Mon implication varie selon les comités ; parfois, je participe davantage aux réunions et aux discussions, tandis que dans d'autres comités, j'examine et commente principalement les documents avant qu'ils ne soient publiés. En tant que secrétaire du CEI TC125 , je suis étroitement impliqué dans tout ce qui s'y passe.
NBN : Comment percevez-vous la coopération internationale au sein de ces comités ?
Bram Rotthier : La collaboration est très variée et intéressante. Il y a des différences culturelles et démographiques évidentes entre les participants. Les experts japonais, par exemple, sont souvent plus âgés alors qu’en Chine, de nombreux jeunes sont actifs. La normalisation est un processus lent, mais il est important de parvenir à des textes bien pensés qui ont été discutés par des experts de différents pays. Ce processus a incontestablement de la valeur, malgré la pression du temps qui caractérise notre société.
Je constate que dans certains pays, on accorde plus de crédit au rôle de l’élaboration des normes qu’ici en Europe, a fortiori en Belgique. On y a une réelle vision à long terme, alors qu’ici, on regarde trop les gains à court terme. Cette mentalité va à l’encontre du processus d’élaboration des normes, qui peut prendre des années.
Dans les pays asiatiques en particulier, les entreprises sont clairement incitées à participer, alors qu’ici, la démarche est plutôt individuelle. Une personne qui participe depuis longtemps à l’élaboration de normes convaincra plus facilement son entreprise d’investir dans ce domaine qu’une personne qui n’y contribue que depuis quelques années.
Il en va de même pour le monde universitaire. J’ai néanmoins le sentiment que dans les commissions où je suis actif, c’est précisément cette vision académique qui est très importante.
NBN : Quels sont, selon vous, les principaux développements dans le domaine des véhicules électriques légers ?
Bram Rotthier : Le secteur des véhicules électriques légers se développe rapidement. Nous examinons les possibilités et les mesures à prendre pour faciliter cette forme de mobilité : des trottinettes électriques aux vélos électriques, en passant par les hoverboards. La nouvelle législation s’appuie souvent sur les normes existantes. D’où l’importance d’être actif dans le domaine de la normalisation pour influencer la réglementation.
NBN : Quels sont les plus grands défis auxquels vous êtes confronté dans le cadre de l’élaboration des normes ?
Bram Rotthier : Comme je l’ai dit, on réfléchit trop à court terme chez nous. L’élaboration des normes est un processus lent, et il peut s’écouler des années avant qu’une norme soit publiée. Cette lenteur va parfois à l’encontre de la rapidité et de la pression temporelle qui caractérisent notre société. Il importe de trouver un équilibre entre rapidité et minutie pour parvenir à des normes mûrement réfléchies.
Un autre problème est celui du financement. La participation à la normalisation n'est pas gratuite et, sans un financement suffisant, il est difficile de convaincre les entreprises et les établissements d'enseignement d'y participer. Pour les grandes entreprises, la raison pour laquelle elles devraient investir dans la normalisation est souvent plus claire, mais pour les PME ou les établissements d'enseignement supérieur, c'est moins évident. Tout dépend souvent des personnes qui croient en l'importance de l'élaboration des normes et qui sont prêtes à s'investir dans ce domaine.
Je peux heureusement financer ma participation grâce à la combinaison que je fais avec l’ASBL. Sans un financement suffisant, il est difficile de convaincre les établissements d’enseignement de s’impliquer. Les universités qui participent à la normalisation le font souvent dans le cadre de budgets de projets de recherche.
Il faut également apprendre à connaître les différences culturelles et démographiques entre les participants afin d’optimiser la collaboration. C’est aussi ce qui rend le travail très intéressant.
NBN : Qu'en est-il de la diversité au sein des comités et des groupes de travail ?
Bram Rotthier : Elle est très grande. Les comités et groupes de travail rassemblent des personnes dotées d’une large expertise technique, mais aussi des spécialistes qui ont des connaissances spécifiques. Certains se penchent sur les exigences, tandis que d’autres examinent ce qui est mesurable. Certains connaissent le cadre législatif et moins la technicité. Il y a aussi des organisations de consommateurs. Cette diversité est indispensable pour parvenir à des normes soigneusement élaborées.
Il est également important d’impliquer les universitaires, car ils peuvent apporter une vision plus large qui va au-delà des seuls aspects techniques. Ils peuvent aider à avoir une vue d’ensemble et à transposer les normes dans la pratique. C’est pourquoi je préconise une plus grande coopération entre les universitaires et les comités de normalisation.
NBN : Que faites-vous pour impliquer les PME dans l'élaboration des normes ?
Bram Rotthier : Nous organisons des ateliers spécialement destinés aux PME afin de leur expliquer le fonctionnement de la normalisation et la manière dont elles peuvent s'y impliquer. Par exemple, lors de l'Eurobike, le plus grand salon européen consacré aux vélos électriques, nous avons fait une présentation sur la normalisation dans le domaine des vélos électriques. Nous avons également organisé des ateliers sur la normalisation des vélos-cargos lors du festival international des vélos-cargos aux Pays-Bas.
Il est important d’avoir des PME autour de la table, car la normalisation est souvent dominée par les grandes entreprises. En impliquant les PME, nous nous assurons que leurs intérêts sont également représentés et qu’elles peuvent bénéficier des avantages de la normalisation.
NBN : Quels avantages tirez-vous personnellement de l’élaboration des normes ?
Bram Rotthier : Je trouve très enrichissant d’être membre des comités internationaux. Je découvre des cultures et des styles différents et j’apprends à en tenir compte. Sur le plan professionnel, je me constitue un réseau d’une valeur inestimable : j’ai toujours quelqu’un à contacter si j’ai une question technique. Cela dit, c’est surtout mon organisation qui récolte les fruits de mon travail dans le domaine de l’élaboration des normes.
Je trouve également fascinant de voir comment les normes sont créées et comment elles influencent le marché et les réglementations. C'est un investissement à long terme, mais il a certainement sa valeur. C'est aussi une façon de contribuer à la société en travaillant à l'élaboration de normes objectives et équitables qui maintiennent le marché ouvert et soutiennent la transition durable.
Vous avez une riche expérience dans un domaine particulier et vous souhaitez partager vos connaissances ? Participez à l’élaboration des normes !